ZWINGER à New York
KABUFF N.K. 23
Exposition Howard Scott
Galerie NY-Chelsea
6 Septembre – 29 Oktobre 2007
Howard Scott Gallerie
Foto: privé
ZWINGER (*1962) est un peintre des provinces de l’Est de
l’Allemagne. Il vit à Greifswald, ville située sur
la Baltique. Quiconque, parmi les amis des arts, entend parler de
Greifswald, pense d’abord au Romantique Caspar David Friedrich, qui
y naquit en 1774. Source d’inspiration pour Zwinger, ce réflexe
est aussi un fardeau. Source d’inspiration, parce que cet artiste
tenta, il y a 200 ans, d’ancrer le monde pictural de son époque
dans des idées en usant de formalisations analytiques. Ce fut lui
qui commença à concentrer son attention sur l’artifice
de l’art. Cette approche froide n’eut que peu de succès
auprès de ses contemporains, mais c’était la plus authentique
que l’on pût trouver à l’époque. L’inspiration
provient aussi, pour Zwinger, du fait que son prédécesseur
ait dépassé l’isolement de la province en l’abandonnant
intellectuellement. Le poids de cet héritage, pour un artiste de
Greifswald, n’est pas d’être toujours confronté à cet
aïeul spécial. Ce serait un véritable honneur. Le fardeau
est bien plutôt le fait que le Romantisme allemand soit aujourd’hui,
contrairement à la conception de l’époque, confondu
avec de vagues notions d’intimité et d’obscurité conceptuelle.
Rien n’est plus éloigné de Zwinger. De la contradiction
entre histoire et exigence contemporaine, il tire l’énergie
pour développer un programme qui lui est propre. La première
chose à faire est de laisser de côté, comme à l’époque,
les rituels académiques modernes. Il n’y a donc chez lui ni
le nouvel historisme d’une école de Leipzig, ni post-colorisme
de Dresde, ni discours des médias berlinois ou universalisme new-yorkais.
Zwinger peint Zwinger – guidé par son instinct, irrévérent
et rigoureux tout à la fois, il crée un ordre de succédanés
d’images à partir de tout ce qu’il attrape au vol. Ses
tableaux sont imprégnés de motifs provenant, sans distinction,
de l’histoire de l’art, de films, d’illustrations scientifiques
ou encore de publicités. Cela n’est pas nouveau, cet accès
total fonctionnant en effet depuis le pop art. Pourtant, ce qui est
différent
dans le travail de Zwinger, c’est que ces incursions du monde artistique
et du quotidien sont communicativement méconnaissables. Zwinger
les délie, les dépossède de leur origine, des allusions
qui en émanent. Dans les tableaux, ils deviennent de nouveaux signes,
des traces de disparition, des ornements, des décorations, qu’importe,
pourvu qu’ils se plient à la réécriture et satisfassent
Zwinger comme hybrides de signification, vide informationnel et évidence
de forme. Des silhouettes loufoques mais massives, dans des tons
eux aussi loufoques mais massifs, créent une atmosphère de
beauté déconcertante,
la splendeur de ce qui est en péril, une chose dont les couleurs
chatoyantes seraient empoisonnées. Rose, mauve, vert tilleul, noir
fin, bleu de Prusse, crucifixion, casque en pointe, étoile ou lunettes – rien
ne se dénonce ici par un sens convenu, tout s’amalgame dans
l’inhabitation intérieure de la globalité de la figure.
Tableau après tableau, révolte contre l’étroitesse,
frissonnement à la lumière de la solitude, son métallique
d’un lointain effondrement. Les tableaux contiennent beaucoup plus
de dissimulation et d’omission que de consignation et de constat.
Plus de désir que de déclaration, somme toute. Et c’est
ce qui rend ces œuvres aussi sobres qu’énigmatiques,
aussi simples que profondes, aussi maladroites que raffinées, mais
d’abord, et surtout, d’une grande charge émotionnelle.
Chose, de nos jours, aussi rare que précieuse.
Halle, le 13 juillet 2007
Michael Freitag |